Commentaire :
La présente composition est typique de la production du peintre-académicien Pierre-Jacques Cazes, l'un des nombreux élèves de Bon Boullogne (1649-1717). Si certaines œuvres de Cazes sont parfois confondues avec celles des élèves des frères Boullogne, tout particulièrement Joseph Christophe, Jean Raoux, Pierre Dulin, et Jacques-François Courtin, l'emploi d'un fort clair-obscur est une première indication permettant de distinguer les réalisations de l'artiste de celles de ses camarades d'atelier.
De sa période d'apprentissage dans l'atelier de Jean Jouvenet il retiendra l'importance des architectures dans la composition et le traitement plein d'emphase des sentiments des personnages. Dans notre tableau, la pose de Jacob, qui, vu de dos au tout premier plan, semble perdre l'équilibre à l'annonce de son oncle Laban, illustre ce traitement particulier des sentiments dans l'œuvre de Cazes. La silhouette que nous venons de décrire est très semblable à celle du personnage visible dans 'Saint Pierre guérissant Tabithe', réduction du May de Cazes commandé par l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés en 1716 et aujourd'hui conservé au Louvre (fig. 1).
Les harmonies de couleurs dans les drapées, l'exagération théâtrale des attitudes des personnages par de savants jeux de mains et la construction de l'arrière plan avec ces arcades en plein cintre sont autant de point commun entre le tableau du Louvre et notre composition.
Les tableaux de Pierre-Jacques Cazes qui nous sont parvenus illustrent pour la plupart des épisodes mythologiques. Si l'on connaît de lui des sujets empruntés au Nouveau Testament et certaines scènes de genre, ses illustrations de l'Ancien Testament sont extrêmement rares.
Le moment représenté est décrit dans la 'Genèse' (XXIX, 15-30) : Jacob avait servi pendant sept années son oncle Laban afin de pouvoir épouser sa fille cadette Rachel. Au terme des sept années, Laban donne par ruse à Jacob sa disgracieuse fille aînée Léa, et lui dit qu'il n'obtiendra la main de Rachel qu'au bout de sept nouvelles années de travail à son service.
L'œuvre semble être réalisée dans la première décennie du XVIIIe siècle, à une date précoce dans la carrière de l'artiste. Comme dans 'La Vision de Jacob en Egypte', tableau qui valut à Pierre-Jacques Cazes le " Grand Prix " de 1699 (Paris, Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts ; Fig. 2), on observe une certaine rondeur des formes, tout particulièrement dans l'enchaînement des plis des draperies, ce qui laissera place par la suite à une conception plus " tranchée ", tant dans le traitement du clair-obscur que dans les postures et gestes des personnages.
Nous remercions Monsieur François Marandet pour son aide à la rédaction de cette notice.
Fig.1. © RMN, Paris, Musée du Louvre
Fig. 2. © ENSBA, Paris