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Jean Jouvenet (1644-1717)
Le Père éternel
Estimation :
150 000 € - 200 000 €
Vendu:
186 418 €

Détails du lot

Le Père éternel
Huile sur toile de forme ovale


'THE ETERNAL FATHER', OIL ON CANVAS, BY JEAN JOUVENET.

Provenance :

Commandé pour orner la chapelle du Collège des Quatre-Nations, Paris, vers 1680 ;
Perdu lors de la Révolution française ;
Récemment redécouvert

Bibliographie :

Germain Brice, 'Description de la ville de Paris et de tout ce qu'elle contient de plus remarquable', Paris, 1713, t. III, p. 205
Antoine-Joseph Dezallier d'Argenville, 'Abrégé de la vie des plus fameux peintres...', Paris, 1745, t. II, p. 354
Antoine-Nicolas Dezallier d'Argenville, 'Voyage pittoresque des environs de Paris...', Paris, 1749, p. 263
Probablement 'Inventaire général des richesses d'art de la France. Archives du musée des monuments français', Paris, 1886, t. II, p. 95-104.
Jacques Dupont et J. Litzelmann, 'Peintures méconnues des églises de Paris', catalogue d'exposition, Paris, musée Galliera, 1946, n° 32
Amédée Boinet, 'Les églises de Paris', Paris, 1964, III, p. 97
Antoine Schnapper, 'Jean Jouvenet 1644-1717', Rouen, 1966, n° 23
Antoine Schnapper et Christine Gouzi, 'Jean Jouvenet 1644-1717 et la peinture d'histoire à Paris', Paris, Arthena, 2010, p. 204, n° P. 30

Commentaire :
'Le Père éternel' de Jean Jouvenet constitue une importante redécouverte pour la peinture religieuse parisienne sous le règne de Louis XIV. Il s'agit en effet sans aucun doute de l'un des tondi qui ornaient autrefois la partie supérieure de la chapelle du Collège des Quatre Nations.

Le XVIIe siècle fut sans doute à Paris l'une des périodes les plus florissantes pour l'art religieux monumental. Les nouveaux édifices se multiplièrent et devinrent autant de supports pour les grands décors religieux à l'iconographie soigneusement élaborée.
Jean Jouvenet appartient, avec Charles de La Fosse et Antoine Coypel, à la dernière génération des peintres de grands décors du règne de Louis XIV. Plus que ses deux rivaux, il incarne l'image par excellence du peintre de sujets religieux, qu'il sut décliner aussi bien dans la sphère publique de la fresque monumentale que dans l'atmosphère privée du tableau de dévotion.
Il n'est par conséquent guère surprenant que Colbert aie fait appel à lui pour réaliser les trois tondi destinés à surmonter les autels de la chapelle du grand projet initié par Mazarin : le Collège des Quatre Nations. Cette fondation avait pour objectif - outre le fait d'assurer la gloire posthume de l'illustre cardinal, à l'instar de la Sorbonne de Richelieu - de présider à l'éducation d'étudiants choisis, devenus nouveaux sujets du roi de France à l'occasion des traités de Münster et des Pyrénées.
Le projet prit forme après la mort de Mazarin, sous la direction de Colbert. L'architecte Louis Le Vau avait été désigné pour édifier ce bâtiment en face de la cour carrée du Louvre, de l'autre côté de la Seine. Le projet de Le Vau tint compte de ce prestigieux emplacement en plaçant les bâtiments sous la forme d'un hémicycle concave ouvrant sur le Louvre. De l'autre côté, le collège proprement dit était organisé autour de trois cours.
La chapelle constituait le centre de ce complexe. Elle était de fait destinée à abriter la tombe du cardinal Mazarin. L'édifice, de plan central, fut coiffé d'un dôme, actuelle Coupole de l'Institut de France. Les travaux furent débutés en 1664 et achevés après la mort de Le Vau en 1670. Le Collège des Quatre-Nations est l'un des chefs-d'œuvre de l'architecte de Vaux-le-Vicomte.
L'architecte François d'Orbay acheva la construction de la chapelle en 1674 et le décor fut commandé quelques années après. Jean Jouvenet et sa famille s'installèrent définitivement au pavillon des Arts du Collège des Quatre-Nations en 1678, et le peintre était alors tout désigné pour collaborer à la décoration des lieux. Il réalisa trois tondi pour orner la chapelle, représentant d'une part 'Le Père éternel' et 'Les Anges portant les instruments de la Passion'.
Un dessin du fonds Robert de Cotte (fig. 1) représente une coupe de la chapelle et nous indique précisément la localisation de notre tableau, dans un cintre au dessus de l'un des autels centraux. Les trois toiles de Jouvenet, placées en hauteur, venaient encadrer une 'Circoncision' d'Alexandre Turchi, dit Veronese.

Le tombeau de Mazarin, commandé à Antoine Coysevox, ne rejoint la chapelle qu'en 1693. Comme ce fut le cas dans la plupart des églises, les toiles ornant l'édifice furent démantelées à la Révolution française et leur trace était perdue depuis.
La figure de Dieu le Père trônant sur des nuées et bénissant est récurrente dans l'œuvre de Jean Jouvenet, tant dans le domaine du grand décor que dans celui des tableaux de dévotion privée. Ce thème iconographique, autorisé depuis la Contre-Réforme, permettait en effet de puissantes représentations chargées de sens théologique.

Avant notre tableau, vers 1675, Jouvenet avait également orné la chapelle de l'Hôtel Jabach d'une représentation de Dieu le Père. Ce décor est perdu mais l'on connaît plusieurs 'ricordi' avec une telle représentation. Citons notamment une toile de grandes dimensions conservée au musée des Beaux-Arts de Reims et dont la partie inférieure porte une indication pour un format ovale. La version du Collège des Quatre-Nation était cependant la seule qui représentait le Père éternel posant la main sur le globe.

Notre tableau, de grandes dimensions, comporte de nombreuses caractéristiques propres à la peinture décorative. Dieu le Père est représenté légèrement 'da sotto in su' comme il se doit pour une œuvre destinée à être placée en hauteur et Jouvenet fait preuve d'une grande habileté dans le traitement en raccourci du personnage. L'utilisation d'un fond jaune tirant vers le doré, d'une très grande luminosité, témoigne également d'une volonté d'attirer le regard vers le ciel.

Nous avons ici l'opportunité de percevoir Jouvenet à l'aube de sa carrière de grand décorateur, avant que son succès ne l'entraîne à orner la chapelle royale de Versailles et les écoinçons du dôme des Invalides avec l'aide d'un important atelier.

Le peintre fait ici preuve d'une grande finesse chromatique, notamment visible dans le traitement du manteau bleu du Père éternel, rehaussé de reflets jaunes faisant écho au reste de la composition. Le travail de la matière est incroyablement riche et l'on ne peut qu'admirer le détail des délicates boucles de la barbe, ou encore les raies de son auréoles, creusés dans l'épaisseur de la couche picturale.

Un état de conservation particulièrement remarquable permet en outre d'apprécier la grande virtuosité du peintre. Le rentoilage ancien a préservé toute la richesse de la matière picturale et les glacis d'origine.

Nous remercions Madame Christine Gouzi de nous avoir confirmé l'authenticité de cette œuvre ainsi que de nous avoir indiqué que celle-ci constitue à n'en pas douter le tableau qui ornait la chapelle du Collège des Quatre Nations.

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