La présence des deux saints dominicains agenouillés au pied du trône et reconnaissables à leur habit et leur attribut (couteau du martyr de saint Pierre et étoile sur la poitrine et livre de saint Thomas d'Aquin ainsi que l'inscription) indiquent que ce tableau, inédit jusqu'ici à notre connaissance, était destiné à l'autel d'une église dominicaine.
Sur le fond d'une tenture verte, accostée de deux anges musiciens debout, la Vierge centrale, vêtue d'une robe rouge et d'un manteau bleu doublé de vert, est assise sur un haut trône à piédestal garni d'un drap fleuronné ; elle tient sur son bras gauche l'Enfant nu qui offre à saint Thomas d'Aquin le phylactère porteur de l'inscription ; de sa main droite Elle tend à saint Pierre Martyr la palme du supplicié.
L'auteur encore anonyme de ce tableau doit être recherché parmi les artistes lombardo-piémontais du XVIe siècle dont les influences plus ou moins lointaines se font sentir ici de manière éclectique dans le groupe virginal léonardesque, dans les anges exhalant une senteur à la Bramantino et dans les deux saints d'essence plus dogmatique. Cette œuvre est influencée plus précisément par celles du piémontais Bernardino Lanino (Vercelli, vers 1512- 1583) élève de Gaudenzio Ferrari (Valdugia, 1480 - Milan, 1546) dont il subit l'ascendant dans ses œuvres de jeunesse ; il s'en détourne dans sa période de maturité pour s'orienter lors de ses différents séjours à Milan vers les modèles léonardesques, abandonnant les tonalités brillantes de ses débuts pour des harmonies colorées plus discrètes.
En 1552 il signe et date le retable de la Madone des Roses (Raleigh, North Carolina Museum of Art, collection Kress n°1570, cf.F.R Shapley, Painting from the Samuel H.Kress collection, Italian Schools XV-XVI century, Londres 1968, p.147-148, fig. 360) destiné peut-être à l'église dominicaine de San Paolo de Vercelli mais plus sûrement pour l'autel d'une chapelle d'une confrérie du Rosaire comme l'indiquent ici la présence des dominicains (ordre fondateur de cette congrégation au XVe siècle) ainsi que les chapelets tenus par les femmes et les roses étalées sur les marches du trône. (cf. G. Romano, Bernardino e il Cinquecento a Vercelli, Turin 1986, p. 262). C'est plus particulièrement à cette œuvre que l'auteur de notre tableau se réfère en en reprenant la composition, certes simplifiée, mais en conservant le dessin délicat du visage de la Madone - proche également de celui de Vénus dans le tableau vers 1547 de Vénus et Mars de Lanino Paris, Musée du Petit Palais - ; il en conserve l'expression intériorisée du regard portant une attention vigilante à l'action de l'Enfant. Les deux anges jouant du violon et du rebec - souvenir du Concert des anges de l'oratoire Santa Maria dei Miracoli à Saronno que Gaudenzio Ferrari réalise en 1534-1536 et que Lanino reprendra plus tard après son maître - apportent ici une note de détente poétique en contrepoint du caractère introverti des deux saints dominicains emprunts de pieuse sérénité. Notons que les dispositions mentales de ces derniers et la typologie de leurs visages se retrouvent dans la 'Sainte Claire' et le 'Saint François' (Turin, Accademia Albertina) éléments d'un retable de Lanino daté vers 1552 ( cf. Romano, op. cit. p. 264 repr.)
La réalisation de notre tableau par l'un des suiveurs de Bernardino Lanino et qui doit tant à la maturité de ce maître, a pu intervenir vers la sixième ou septième décennie du XVIe siècle.