Belle correspondance du poète et dramaturge avec celui dont il fut l'assistant au Haut-Commissariat de la République française à Beyrouth. Ton très libre et très affectueux. 23 l.a.s., 2 c.p. et 1 poème autographe, 3 autres tapuscrits. 65 p. de divers formats, in-12 à in-4, certains avec en-tête du Haut-Commissariat et de l'Ambassade, l'une au dos d'une photographie (24 x 18 cm) représentant les premières répétitions au Théâtre Marigny. Certaines lettres sont de purs poèmes ("S'il neige, disait un Ibis… chaque plume de moi est une course dans le firmament. Fermons les portes, ouvrons la voiture de la verdure où le rossignol imberbe est déclamateur…Ah ! Je ne dormirais jamais dans mon lit sans une idée de poésie"), d'ailleurs souvent agrémentées de poèmes ajoutés ou intégrés au texte de la lettre. Cette correspondance retrace l'histoire de l'édition de ses écrits. "Je suis en plein G.L.M. ! En plein ennui !... et il faut faire le commis placeur de la poésie, je t'assure Gabriel que c'est un métier qui ne me va pas… et j'envie d'éteindre la flamme…". Puis : "G.L.M. va faire fortune… Poésie II est sur le point de s'épuiser… A Marseille (vive le midi), on consomme beaucoup de Schehadé)." Sur Gallimard : "J'ai été jeudi dernier à un cocktail chez Son Excellence Gaston Gallimard, il a été très gentil, il m'a pris par la main et m'a présenté à tous les petits Gallimard… Je n'ai pas encore réglé la question de l'éditeur du livre de Bob'le et des Poésies chez Gallimard, mais je suis très embêté pour G.L.M…. et je ne sais plus quoi faire." Finalement, "Son Excellence G.L.M. a refusé absolument, nettement, que j'aille chez Gallimard, nous nous sommes violemment refusés et je suis sorti en claquant la porte au nez… il reste très peu de jours pour mener à bien cette affaire qui m'aurait enfin tiré des griffes de G.L.M. et m'aurait fait entrer dans une maison sérieuse."
Longues lettres sur l'adaptation de ses pièces au théâtre, Bob'le, La Soirée, Vasco, leur succès, leurs scandales et leur réception, d'abord à Paris puis partout dans le monde. Heureux de travailler avec J.L. Barrault ("car il est charmant et très intelligent"), le poète est aussi très nerveux, commente la parution des critiques ("Ca va barder", dit-il à propos du Figaro littéraire), et son intervention à la radio (par un professeur à la Sorbonne : "Je lui ai dit que je ne sais ni parler ni écrire et qu'il fasse tout le travail pour moi. Il m'a dit que je n'aurai que deux phrases à dire…"). Finalement, "le vent a tourné" et "Bob'le est victorieux, après une lutte de deux semaines. Il a maintenant des partisans, plutôt des fanatiques, et cette pièce gentille et simple provoque même parmi ses admirateurs des discussions". Passionnants et longs compte-rendu de ses travaux, des critiques reçues. Quand le succès éclate : "Mon très cher Maître, je veux bien que tu saches, cher Gabriel, que si je suis devenu quelque chose, c'est bien grâce à toi. Tu ne peux t'imaginer combien ces jours-ci je pense à toi, avec quelle affection et quelle reconnaissance !" Sur la poésie et le théâtre : "Ta lettre me réconforte beaucoup. Je craignais d'avoir trahi la poésie !". Longue lettre sur la composition du Vasco, "Tu as raison pour le 1er Tableau (non pas qu'il démarre lentement) mais il est un peu étranger au reste. Si j'ai insisté, c'est que ce 1er Tableau devait tout de même installer l'insolite et la poésie…". Sur les Surréalistes, Breton et B. Peret : "Je suis mêlé à une sombre histoire surréaliste… Le parti (une partie du parti) surréaliste est contre Breton et l'a abandonné… Je le vois très souvent et suis de son parti… Je te rapporte les manifestes et le contre-manifeste de cette histoire puérile en soi mais qui rend littéralement malade Breton…" Signatures toujours magnifiques, qui témoignent de son affection pour son maître et protecteur ("A vous, divin Maître, de longs murmures d'amitié"), auquel sans cesse il demande quoi faire ("Ecris-moi Gabriel, et dis-moi ce que je dois faire"). Evoque Supervielle, Salah Stétié, René Char, etc. Joints :
- 2 copies de L.T.S., l'une de G. Dumur sur Barrault, l'autre de J.-L. Barrault, avec annotations du poète.
- LAURICE SCHEHADE : 4 L.A.S. à G. Bounoure, 1958-1968. Sœur du poète et romancière libanaise. Demande une recommandation pour G.L.M. ("Il n'est pas juste que l'on me méconnaisse à ce point"), de pouvoir lui dédicacer son roman, etc.
- Brouillon de Bounoure à Shéhadé.
- MONSIEUR BOB'LE. Opéra, suppl. théâtral, n° 38, avec E.A.S. : "Gallimard - j'ai vu Queneau - va reprendre Bob'le et tout ce que j'ai écrit (l'explication n'a pas encore eu lieu avec G.L.M.)
- Texte impr. du "Chagrin d'amour", 1 p. in-f°, avec E.A.S. : "Pièce représentée à Beyrouth le 30 avruil 1938, te souviens-tu, Gabriel ?", avec 1 corr. aut.
- Programmes, cartons d'invitations, prière d'insérer.
BIBLIOGRAPHIE : Plusieurs lettres, parmi les plus belles et les plus longues, sont inédites, un choix des lettres ayant été publiés par G. Khoury dans Vergers d'Exils / Gabriel Bounoure, Geuthner, 2004, p. 103-185.
(N.B. : la photo reproduite p. 19 du cat. impr. (introduction) figure G. Bounoure et Ed. Jabès (et non G. Shéhadé), dans lot 140 et non 207).