6 p. gr. in-4 recto-verso, "La Clinique, le 21 novembre 1931". Signé M. Anzieu. Ratures.
Marquerite Anzieu (née en 1885) est un des grands cas de l'histoire de la psychanalyse, mieux connue comme le "Cas Aimée" qu'a suivi Jacques Lacan en 1931. Postière de profession, elle quitte sa famille et s'installe à Paris où elle écrit coup sur coup deux romans, aujourd'hui disparus, qui retinrent l'attention des surréalistes. Le 18 avril 1931, sans raison apparente, elle tente d'assassiner la célèbre actrice Huguette Duflos ; elle est internée à la clinique de l'asile Sainte-Anne. Le 18 juin 1931, Jacques Lacan, alors jeune médecin, la rencontre : il la suivra un an quotidiennement. Lacan baptise sa patiente "Le cas Aimée" pour en faire le sujet de sa thèse : "De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité".
Lettre écrite après 7 mois d'hospitalisation. Aucun destinataire mentionné, il s'agit plutôt d'une auto-anamnèse dans laquelle Marguerite explique longuement ses liens affectifs. Datée de "La Clinique" [Sainte-Anne], la lettre commence abruptement : "Je suis la quatrième fille d'une famille de 7 enfants. Quand ma mère me mit au monde, elle venait d'avoir deux grands chagrins, elle avait perdu ma sœur Aimée, brûlée vive à quatre ans, et son beau-père qu'elle aimait beaucoup ; malgré cela je n'étais pas nerveuse, je dormais tout le temps, MA MERE ME DIT QUE J'AI ETE LA PLUS FACILE A ELEVER PARMI TOUS SES ENFANTS". Cette femme, que ses velléités littéraires déçues ont poussée au meurtre, écrit : "J'aimais beaucoup l'école ; je me rappelle qu'à l'âge de neuf ans, j'avais fait une composition française dans laquelle je disais ce que je ferais… J'avais été complimentée". Retrace aussi les amies qu'elle a eues : "celle que je préfère est de l'âge de maman… nous avons vraiment des affinités. Mais en ce moment, je n'ai pas d'amitié plus sûre que celle de ma sœur Aimée". Puis son mariage : "Ma mère s'était opposée pendant qq. temps à son mariage… J'ai souvent regretté de ne pas avoir fait ce qu'elle me disait". Evoque son travail pendant la guerre "au bureau de poste de Melun", puis ses peines : "j'ai beaucoup souffert à cause de tous les proches parents que j'avais dans les armées combattantes", mais aussi ses joies : "la plus grande joie que j'ai éprouvée de ma vie, après celle de voir revenir mes frères de la guerre, ce fut la naissance de mon fils, je lui avais préparé une superbe layette… J'aurais été si contente de l'élever, je ne me consolerais pas d'être privée de ce bonheur… Il n'y a rien qui me froisse plus que lorsqu'on me dit qu'on n'a pas confiance en moi. TOUT LE MONDE DIT QUE JE SUIS BETE, ET IL N'Y A QUE CELA QUI DURE. M. Anzieu".
En dehors de ce que Lacan publie dans sa thèse et de faits relatés très tardivement par E. Roudinesco, l'identité du cas Aimée reste très mystérieuse. Cette anamnèse de cette mythique patiente est donc aussi rare qu'importante. Joint :
- Programme de l'"INTERNATIONAL PSYCHOANALYTICAL CONFERENCE" (Royaumont, 1958), où Lacan est un des principaux intervenants. / - 14 RUE DU DRAGON, n° 1 (mars 1933). Cette prestigieuse revue des Cahiers d'Art publie un texte d'AIMEE, avec un texte de Joë Bousquet sur Aimée. Textes et ill. de Hans Arp, Fondane, Jean Follain, Zervos, Fernand Léger, etc.
BIBLIOGRAPHIE : Roudinesco : Jacques Lacan, Pochothèque, p. 1847-1561 et passim.