Commentaire :
Honoré Daumier se consacre à ses débuts essentiellement à la lithographie et sa notoriété est très vite liée à sa collaboration avec les journaux 'Le Charivari' et 'La Caricature' créés en 1830 et 1832 par Charles Philippon. Il y rejoint d'autres artistes illustrateurs célèbres tels Achille Devéria, Auguste Raffet et Grandville et devient l'auteur d'attaques féroces contre la Monarchie de Juillet, ce qui lui valut une longue série de condamnations. Il publie la célèbre caricature 'Gargantua' en 1831 puis réalise, l'année suivante, la fameuse série des 45 bustes en argile de parlementaires commandés par Philippon, attestant ainsi de son brio dans des genres aussi divers que le dessin, la lithographie ou la sculpture. Peu après l'instauration de la Deuxième République, Daumier peut enfin appliquer ses sentiments républicains à son œuvre et participe au concours institué en mars 1848 pour commémorer, par une représentation peinte de la République, la victoire de la Révolution. Il renoue avec la satire politique avec l'avènement du Second Empire en 1851 dont il symbolise les vices avec le personnage de 'Ratapoil' qui représente le type de " l'agent interlope, de l'auxiliaire infatigable de la propagande napoléonienne ".
Notre dessin illustre une scène du 'Malade imaginaire', dernière comédie écrite par Molière et représentée pour la première fois au Théâtre du Palais-Royal le 10 février 1673. Molière y orchestre une véritable satire des médecins, thématique intrinsèquement liée à cette peur de la mort qui apparaît dans la littérature médiévale et que l'on retrouve dans la Commedia dell'arte et dans le théâtre français du XVIIe siècle.
Daumier ne fait qu'esquisser la silhouette de M. Diafoirus, médecin à l'accoutrement grotesque et au jargon abscons dans la pièce de Molière. Toute l'attention est portée sur Argan, représenté allongé, le ventre proéminent et la mine souffreteuse, qui semble implorer son médecin de le soulager. Daumier parvient à saisir tout le comique de ce personnage hypocondriaque. La comédie devient tragique dans la réalité si l'on sait que c'est à l'issue de sa quatrième représentation que son auteur tire sa révérence sous les traits d'Argan.
Si, pour Charles Baudelaire, Daumier est le " peintre de la vie moderne ", celui-ci réinterprète en l'occurrence ses classiques à la lumière de son époque. Il est en effet bien tentant de rapprocher le ventripotent Argan des bourgeois dépeints alors. Deux œuvres de Daumier sont à rapprocher de notre feuille : un premier dessin, au crayon noir et lavis gris, montre Monsieur Diafoirus plus clairement, son visage est toujours aussi évanescent, le visage d'Argan est quant à lui moins implorant. Un second dessin au crayon noir, à la plume et aquarelle, est quant à lui plus achevé (fig. 1). Dans notre feuille Daumier paraît avoir davantage accentué l'expression de ce malade imaginaire, distillant ainsi une charge caricaturale plus forte.
Ce dessin sera inclus dans le Supplément au Catalogue raisonné d'Honoré Daumier actuellement en cours de préparation par le comité Honoré Daumier. Un avis en date du 29 octobre 2013 sera remis à l'acquéreur.