Angoissante et vibrante, cette tentation de saint Antoine est à observer sous le spectre des conflits religieux du XVIe siècle et des oppositions nées de la scission de l'Église à la suite des 95 thèses rédigées par Martin Luther en 1517.
A peine sortie du Moyen-Âge, l'Europe devient à nouveau un champ de bataille au sein duquel le prochain qui ne pratiquerait pas la même religion devient de fait un hérétique.
Cette vieille bâtisse dans le fond de notre tableau serait-elle cette Europe en proie aux flammes ? Et ce saint Antoine qui tente de résister aux multiples tentations ne représenterait-il pas chacun d'entre nous, en proie aux plus affreuses tentations ? A la fois divertissant et inquiétant ce tableau est le miroir de notre âme, perpétuellement livrée à d'incessants combats.

Profondément inspirée par l'œuvre de Jérôme Bosch, Pieter Huys nait dans la prospère cité d'Anvers au début du XVIe siècle. L'artiste côtoie le milieu des graveurs, particulièrement influent en cette première partie de XVIe siècle. Sans la diffusion en grand nombre par la gravure, les idées de la Réforme n'auraient sans doute pas rencontrées un succès aussi rapide et efficace. L'oncle de Peter Huys est le graveur Franz Huys et le jeune artiste travaille d'abord pour le graveur et éditeur Jérôme Cock. Ce dernier est extrêmement actif et travaille notamment pour Pieter Breughel l'ancien dont les sujets moralisateurs deviennent vite célèbres grâce à la diffusion par la gravure. Après 1560, nous retrouvons Huys chargé de décorer les livres au sein de la maison d'édition Plantin.
Par son environnement et ses relations, Peter Huys est un artiste qui évolue au cœur de la vie intellectuelle de son époque. La tentation de saint Antoine est un de ses sujets de prédilection, nous connaissons une douzaine d'œuvres signées de lui dont la réalisation s'échelonne entre 1547 et 1577.