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Hugo Van der Goes
Tête de moine
Estimation :
12 000 € - 15 000 €
Vendu:
15 600 €

Détails du lot

Tête de moine
Peinture a tempera et vernis sur papier marouflé sur panneau de bois

Porte une lettre 'H' en creux au revers

'HEAD OF A MONK', TEMPERA PAINT AND VARNISH ON PAPER LAID DOWN ON PANEL, ATTR. TO H. VAN DER GOES

Provenance :

Collection particulière de l'Est de la France

Commentaire :
Vue de trois-quarts, fortement éclairée en émergeant du fond sombre, cette tête d'homme oblongue, légèrement penchée en avant vers la droite, le crâne rasé, le visage glabre, doit être celle d'un moine dont on ne devine que le capuchon de la coule rabattu sur le cou. Le visage marqué de rides profondes trahit un homme d'âge vieillissant. Les yeux au regard scrutateur et inquiet encadrent un long nez à l'arête plate aboutissant très près de la bouche. Le prognathisme du menton met en exergue la lèvre inférieure à la carnation légèrement rosée, au dépend de la lèvre supérieure plus fine. La lumière modèle avec force les traits de ce visage en en soulignant les injures du temps par ombres marquées; les globes oculaires à l'iris sombre souligné par le trait blanc de la sclérotique, émergent en perspective de leurs orbites et confèrent au regard une expression tracassée voire angoissée.
On recherchera l'auteur de cette œuvre encore inédite dans le milieu pictural flamand du XVe siècle et plus spécialement dans l'œuvre de Hugo Van der Goes, reçu maître à Gand en 1467 et doyen de l'Académie de Saint Luc de cette cité en 1474-1475. Si relativement peu de tableaux de ce peintre nous sont parvenus, les archives mentionnent des travaux réalisés tout autant pour la cour des ducs de Bourgogne, pour les autorités communales, pour des dignitaires de haut rang ou de riches marchands que pour les institutions religieuses dont témoignent encore actuellement quelques chefs-d'œuvre prouvant que Hugo Van der Goes jouit d'une grande notoriété à son époque.
Il faut relier l'exécution de notre portrait à l'un de ces chefs-d'œuvre, le triptyque Portinari (Florence, musée des Offices). Arrivé en Italie en 1483 mais commandé par Tommaso Portinari, agent des Médicis à Bruges, pour l'église San Egidio de l'hôpital de Santa Maria Nuova de Florence patronné par cette famille, ce triptyque fut sans doute réalisé en Flandres entre 1474 et 1478. De cette œuvre magistrale représentant l'Adoration des Bergers au centre et le donateur et sa famille dans les volets, on portera les regards sur l'un des personnages secondaires du volet de droite : un paysan loqueteux saluant l'un des chevaliers précédant le cortège des rois mages et lui indiquant la route menant à l'étable sacrée. On est frappés par la ressemblance entre notre portrait de moine et celui de ce pauvre hère au crâne dégarni, aux traits fortement accusés par la lumière, à la bouche entrouverte comme s'il parlait véritablement et surtout par son regard inquisiteur autant qu'inquiet. Nous sommes ici devant un peintre soucieux de réalisme humain, un véritable portraitiste qui sait à merveille individualiser le caractère de chaque personnage : en témoignent également les divers apôtres affligés par la disparition de Marie dans la Mort de la Vierge (Bruges, musée Groningue) cette autre œuvre magistrale que Van der Goes réalisa vers 1470 et qui provient du couvent des Dunes à Coxyde.
Enfin nous insisterons sur la parenté de style qu'offre le Portrait d'un homme, (New York, Metropolitan Museum, acquis en 2009, n°2010.118) réalisé lors de la retraite du peintre au couvent de Rouge Cloître à Auderghem tout près de Bruxelles où l'artiste finit ses jours entre 1478 et 1482. Bien que retiré du monde dans ce couvent à la suite de graves crises de dépression, Hugo van der Goes continua à peindre. On sait par la chronique de l'un des frères, Gaspard Ophuys, publiée au début du XVIe siècle, qu'à ce moment-là, il s'attacha surtout à peindre des portraits. Ce fut sans doute le cas du portrait de New York cité, qui lui est attribué et qui présente, à notre sens, les mêmes caractères de style que notre peinture: surgi du fond noir, le visage au regard méditatif, les traits sans concession, accusant ceux d'un homme d'âge mûr, mis en exergue par un éclairage brillant, le détail des yeux enfoncés dans les orbites, du long nez, le dessin de la bouche et du pavillon de l'oreille, sont autant d'indices qui militent en faveur d'une exécution par une même main.
Nous sommes tentés de penser que notre Tête de moine pourrait être un autoportrait de l'artiste, peint lors de la retraite d'Hugo van der Goes à Rouge Cloître. Les traits et la marque d'inquiétude qui se lisent sur le visage de ce vieil homme seraient-ils ceux de l'artiste ?

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