Commentaire :
Les peintures à l'huile de Jacques Barraband sont rares et donc précieuses. L'artiste s'exprimait, en effet, plus volontiers sur papier. C'est ainsi qu'il présenta essentiellement des aquarelles au Salon auquel il participa régulièrement dès 1798. Ce fut le cas en 1804, année où il obtint une médaille d'or pour ses illustrations destinées à la Description d'Egypte et aux Histoires naturelles de Levaillant. En 1806, il n'était pas présent. C'est pourtant cette année-là que L'Observateur au Musée Napoléon remarqua Deux coqs se battent pour une poule huppée. La revue écrivait que " ce tableau est comparable à ce qu'il se fait de mieux dans le genre ". Elle voyait dans Barraband le " La Fontaine de la peinture " (" Barraband tu charmes nos yeux… ").C'est ce magnifique tableau, dans lequel Barraband " dérobe à la nature ses traits fins et toujours heureux ", que nous redécouvrons plus de deux siècles après, parfaitement conservé et dans toute sa fraîcheur.
Barraband, dans ses jeunes années, peignait à l'huile, comme l'indiquent quelques toiles de la fin des années 1780, en particulier celles commandées par le tapissier d'Aubusson, Picon de Laubard. Il s'ouvrit très jeune à la tapisserie dans l'atelier familial et par la suite à la peinture sur porcelaine, ainsi que le montre la superbe Nature morte au faisan et aux perroquets dont il existe une huile sur bois et une porcelaine de Dihl et Guerhard. Plusieurs peintures sur bois ou sur toile, comme celle qui appartient aux collections du musée des Beaux-Arts de Quimper, ne sont pas signées, mais elles lui sont attribuées. Elles sont encore moins datées.
Deux coqs se battent pour une poule huppée porte la signature de Barraband qui a omis de mentionner la date. Bien sûr, cette œuvre est antérieure à 1806. Au regard de l'exceptionnelle maîtrise technique, de la rigueur de la composition, de la beauté et de la lumière des couleurs, on peut estimer qu'elle est issue de sa période de pleine maturité qui englobe la fin des années 1790 et le tout début du XIXe siècle. Barraband consacra, après la parution des Histoires naturelle des perroquets, à partir de 1801, l'essentiel de son talent à des aquarelles gouachées et à des dessins destinés à de somptueux livres. Il fut également un professeur réputé.
Les œuvres de Barraband étaient appréciées par Napoléon 1er et par Joséphine de Beauharnais mais aussi par les collectionneurs privés. Il était de son vivant un peintre recherché et cher.
Dans cette œuvre, Barraband incarne le sommet de l'art ornithologique réaliste. Son rendu des plumages est exceptionnel alors que les coqs, dans un décor sobre en phase avec l'époque, semblent en mouvement. Les couleurs vibrent, les yeux pétillent, le bleu du ciel apporte de la sérénité à une scène qui, effectivement, nous renvoie à Jean de La Fontaine.
Robert Guinot