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IONESCO, Eugène
Le Père et l'enfant
Estimation :
1 500 € - 2 000 €
Vendu:
2 805 €

Détails du lot

Le Père et l'enfant

Dessin original signé au crayon " Eugène Ionesco ", situé et daté " Saint-Gall 24 juin 1985 ", également au crayon en bas à droite. Gouache, 56, 5 x 42, 5 cm, encadrement sous verre.

Homme médaillé écrasant de sa présence un petit être à moitié hors champ.

Projet d'illustration pour Zouchy et quelques autres histoires. Pour orner hors texte cet ouvrage de Jean Hamburger paru en 1989, Eugène Ionesco a exécutés plusieurs dessins dont 10 ont été retenus. Ce recueil de nouvelles s'ouvre par celle intitulée " Zouchy ", dans laquelle le rapport singulier qu'entretient le héros avec le langage - réaction à l'usure des mots - n'est pas sans rappeler Ionesco lui-même : " Refus du verbe, refus de la vie, rejet de la condition commune, révolte contre autrui, tendance anti-sociale ". Sur le travail de peintre de l'écrivain Ionesco, Jean Hamburger affirme en outre dans son avant-propos :
" L'homme se retrouve dans ses œuvres diverses, malgré leur disparité apparente : dans les dessins d'Eugène Ionesco, je rencontre sans peine l'auteur de pièces comiques et dérisoires, comme La Cantatrice chauve, et de pièces dérisoires et tragiques, comme Le Roi se meurt. "

Ionesco transfuge littéraire dans le monde de l'art. Ionesco disait développer ses pièces à partir d'une image mentale :
" J'ai comme un tableau devant les yeux intérieurs, les yeux de l'âme [...]. La scène c'est exactement comme un grand tableau où les différents éléments sont placés de façon à constituer une composition harmonieuse ou conflictuelle " (cité par Marie-Claude Hubert, pp. 233 et 252).
Le cheminement intellectuel et moral d'Eugène Ionesco l'amena progressivement à se détourner de la littérature, comme il l'explique dans l'entretien filmé Voix et silences en 1988 : " l'activité littéraire n'est plus un jeu, ne peut plus être un jeu pour moi ". Parallèlement, il prit goût à l'idée de peindre : il s'était déjà montré particulèrement intéressé par la question esthétique, et avait largement contribué à la critique d'art à partir des années 1960 en écrivant sur des artistes comme Brancusi, Brauner, Istrati ou Miró. Au début des années 1980, il sauta le pas et exécuta ses premières gouaches dans l'atelier de la galerie Erker à Saint-Gall en Suisse. En une quinzaine d'année, il produisit plusieurs centaines de gouaches et de lithographies, illustra quelques-uns de ses livres, comme Souvenirs et dernière rencontres (1986), et organisa une quinzaine d'expositions de ses œuvres entre 1984 et 1986. Cette indéniable réussite eut pour effet paradoxal de ramener Ionesco à l'écriture en l'incitant à mener une réflexion sur son art, ou plutôt sur son évolution personnelle dans cette aventure intellectuelle, esthétique et technique : il publia donc plusieurs textes importants comme La Main peint en 1985, " Fragment d'un traité pour les peintres autodidactes " dans son recueil Trouver un peu d'espoir en 1986, ou encore " Pourquoi j'ai pris mes pinceaux ", sa préface à Zouchy de Jean Hamburger en 1989 :
" J'ai le sentiment que toutes ces paroles écrites deviennent dites et parlées, et j'entends comme du bruit, des bruits, un vacarme [...].
Je rêve du silence. C'est la raison pour laquelle je me suis mis à faire de la peinture, sans savoir ni peindre ni dessiner. Peindre pour ne plus entendre les échos assourdissants qui me venaient de tous les côtés, pour avoir le silence [...]. J'ai un certain nom dans le théâtre. Est-ce pour cela que les gens se sont intéressés à mes dessins naïfs, aux tons purs, frais de mes couleurs ?
Sous l'apparence de la gaieté, mes gouaches sont pourtant très souvent maléfiques. Mais comme l'on confond naïveté et maladresse, pureté, enfance avec enfantillages, j'ai paradoxalement été "apprécié".
Un autre avantage de la peinture [...] est que l'image est beaucoup plus parlante que la littérature ou le discours abstrait. Combien de mots nous faut-il pour décrire un tableau ? [...]. Quand je peins j'ai l'impression que ma tête n'y est pour rien et que ma main peint toute seule. Je veux dire que les images qui surgissent de l'inconscient n'ont pas besoin d'être traduites par la pensée rationnelle. La raison de l'image est une raison plus pure et plus profonde. "
" À son rejet de la littérature correspond l'avènement de la peinture, quête salvatrice ", écrit Sonia de Leusse-Le Guillou :
" Thérapeutique, elle n'est pas seulement un dérivatif, mais la voie de l'apaisement intérieur et de la sérénité spirituelle. Ce parcours, de l'introspection psychanalytique à la quête métaphysique, est aussi celui des personnages de ses pièces. Spectateurs de son théâtre, on s'aperçoit qu'il est éminemment visuel. On pourrait même parler de l'univers plastique de son écriture, d'un "théâtre pictural" [...] " (p. 18).

Bibliographie
- HUBERT (Marie-Claude). Eugène Ionesco, Paris, Seuil, 1990.
- LEUSSE-LE GUILLOU (Sonia). " Eugène Ionesco et la peinture ", dans Ionesco, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2009, pp. 95-111.
- LEUSSE-LE GUILLOU (Sonia). Eugène Ionesco, de l'écriture à la peinture. Paris, L'Harmattan, 2010.

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