La présence d'artistes français et italiens au sein des cours du Saint Empire dès le début du XVIIIe siècle est bien connue. Moins souvent cités, les déplacements d'artistes allemands vers le reste de l'Europe furent également très importants au cours du Siècle des Lumières et la carrière du paysagiste Jacob Philipp Hackert qui le mena à Stockholm, Paris, Rome, Naples et Florence en est l'un des meilleurs exemples.
Natif de Prenzlau, Jacob Philipp Hackert fut formé dans l'atelier de son père Philipp puis de l'un de ses oncles à Berlin, dont il rejoignit l'Académie des Beaux-Arts en 1758. Il arriva à Paris en 1765 où il fréquenta son compatriote Johann Georg Wille et se familiarisa avec l'œuvre de Joseph Vernet qu'il copia et grava. Au cours de ce séjour français, Hackert visita en 1766 la Normandie en compagnie de son frère Johann Gottlieb, du peintre Nicolas Pérignon et de l'artiste anglais Samuel Hieronymus Grimm. Un carnet de quarante-trois croquis reproduisant des paysages et des monuments observés et soigneusement localisés constitue un précieux témoignage de ce voyage1.
Nos deux paysages sont datés de cette même année 1766. Ils furent probablement peints à Paris, au retour de ce séjour normand et réalisés en pendant, formule que Hackert pratiqua tout au long de carrière. Les amateurs affectionnaient particulièrement les paysages fonctionnant en paire, permettant un accrochage modulable. Le chien se trouvant à gauche de l'un de nos tableaux, tourné vers l'extérieur, et peut-être vers les pêcheurs du second tableau, est un exemple des possibilités offertes par ce type de compositions.
Nous pouvons reconnaître sur l'un de nos tableaux un château que Hackert a reproduit au sein de son Voyage de Normandie à la page 32 (Fig. 1). Ce bâtiment y est localisé 'a Rouen'. Nous pourrions situer notre composition à partir d'un point de vue partant de Sahurs ou Hautot-sur-Seine, la ville de Rouen étant cachée derrière le rocher, la Seine tournant en amont vers la gauche, l'on apercevrait dans le fond, la colline Sainte-Catherine, elle-même sur la rive droite de la Seine mais en amont de Rouen. L'architecture du château représenté ne correspond pas avec exactitude au manoir de Marbeuf à Sahurs, ni même aux différentes propriétés situées à Hautot-sur-Seine mais semble s'en inspirer, notamment par son faitage élancé.
Ces paysages ne correspondent vraisemblablement pas à une réalité topographique et rassemblent plutôt des motifs que Hackert savait parfaitement décliner (groupes de pêcheurs, embarcations, rochers, arbres), qui sont ici alliés à la Seine et à des édifices normands, permettant ainsi de séduire la clientèle française et parisienne. Cette science de la composition des paysages trouva naturellement son aboutissement en Italie où Hackert se rendit dès 1768 et où il connut un très grand succès.
Ces deux tableaux ont la particularité d'être peints sur cuivre, support permettant une grande finesse d'exécution et procurant un coloris conservant toute sa vivacité. Grâce à ce type de support nos tableaux, malgré une ancienneté de plus de 250 ans, sont présentés dans un état de conservation absolument parfait.
1 - L'album est titré Voyage de Normandie, signé et daté. Il est aujourd'hui conservé au sein des collections du château de Weimar (Inv. KK 10671).
Nous remercions Madame Claudia Nordhoff de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ces tableaux d'après photographie. Une expertise en date du 28 mai 2012 sera remise à l'acquéreur.
Expertise du Dr. Claudia Nordhoff (English) .pdf >