Réalisée en 1952, Ville Verte est une œuvre magistrale de Zao Wou-Ki, importante par son style à mi-chemin entre figuration et abstraction. Par son format imposant (1,30 × 1,50 m), sa richesse picturale et sa profondeur stylistique, cette toile s’impose comme l’une des pièces majeures de la collection Philippe Dennery.

Zao Wou-Ki est l’un des peintres chinois les plus reconnus en Occident au XXe siècle. Arrivé à Paris en 1948 depuis Shanghai, Zao Wou-Ki apporte avec lui une forte culture artistique, nourrie à la fois par la tradition picturale chinoise et la peinture occidentale découverte à travers les livres et les reproductions. Formé dans l’atelier d’Othon Friesz à l’Académie de la Grande Chaumière, il débute par une peinture figurative classique. Mais c’est la découverte de l’œuvre de Paul Klee, lors d’un voyage en Suisse, qui bouleverse sa trajectoire : Ville Verte en est un témoignage éclatant.

Sur cette grande toile à l’huile, une vaste étendue verte, modulée de nuances ocre-jaune, se déploie en profondeur. Un réseau arachnéen de lignes, de signes et de traits calligraphiés y inscrit une écriture visuelle libre, évoquant subtilement la tradition chinoise. En y regardant de plus près, se révèlent peu à peu des formes — mâts, grues, clochers, bateaux, édifices — dessinant les contours d’une ville flottante, entre songe et réalité. Ville Verte est une œuvre rare et fondatrice, située au carrefour des cultures et des langages artistiques.

Philippe Dennery a réuni une collection remarquable où se côtoient art moderne, histoire et civilisations. Au cœur de cet ensemble, Ville Verte (1952) de Zao Wou-Ki incarne la pièce maîtresse d’un dialogue entre cultures. Ce dialogue se prolonge avec trois lampadaires emblématiques d’Alberto Giacometti – Tête de femme, Osselet et Étoile – et une lampe Bougeoir signée Diego Giacometti, qui explorent les correspondances entre lumière, forme et spiritualité.   

Autour de ces œuvres modernes gravitent des objets choisis avec une érudition rare : des estampes japonaises d’Utamaro, de précieux coffrets à missives aux armes de Louis XIII et du Grand Condé, estimés entre 3 000 et 5 000 euros. Nous trouvons également une tapisserie flamande du XVIe siècle, évaluée entre 2 000 et 3 000 euros ; une sculpture d’ours polaire inuit, proposée entre 1 000 et 2 000 euros ; ainsi qu’une élégante paire de fauteuils Régence « au perroquet », immortalisée par Jean-François de Troy, dont la valeur est estimée entre 15 000 et 20 000 euros.

La collection s’ouvre également à l’Extrême-Orient avec deux statues de Guanyin datant des dynasties Tang-Song issues de l’ancienne collection Paul Houo-Ming-Tse, estimées entre 30 000 et 50 000 euros. Elle se clôt sur un dessin Amérindien du XIXe siècle, représentation sensible et poétique des grandes plaines parcourues par les cavaliers Kiowa. 

Plus qu’un simple ensemble d’œuvres, cette collection reflète le regard d’un homme passionné, curieux du monde et des formes, qui a su faire dialoguer les arts, les savoirs et les cultures, au-delà des siècles et des frontières. 

Fils d’un résistant de la première heure rallié au général de Gaulle dès 1940, Philippe Dennery s’exile aux États-Unis pendant la guerre, pays auquel il restera profondément attaché. Diplômé du Massachusetts Institute of Technology en 1954, puis docteur en physique théorique de l’université Columbia en 1958, il entame une carrière de chercheur à l’Université de Pennsylvanie. Il rejoint ensuite le CERN à Genève.

Conseiller auprès du gouvernement français, il prend par la suite la tête de la Société Dennery, maison familiale d’ameublement et de décoration, qu’il développe à l’international, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, avant de la céder en 1999. Il poursuit ses activités entrepreneuriales en rachetant plusieurs sociétés, dont la prestigieuse maison Cassegrain, papetier et graveur de renom.

Homme de lettres et de convictions, il fonde en 1989 le Prix Novembre, pensé comme une alternative au Goncourt. Profondément engagé dans le dialogue franco-américain, il siégera pendant plus de trente ans au conseil d’administration de la Fondation Franco-Américaine, pendant parisien de la French-American Foundation de New York.