"J'ai si peur de la mort quand le jour se termine…"
Sans titre, s.d. 2 p. Nombreuses traces de pliures et usures, sans manque. Beau brouillon excessivement raturé, lisible. L'état du papier laisse à penser qu'il a du conserver longtemps sur lui cette feuille et revenir souvent sur le texte. Les poèmes de Saint-Exupéry sont rares.
Très belle écriture poétique, atypique dans l'ensemble de l'œuvre de Saint-Exupéry, inclassable même. Certainement écrit à une femme, dont l'absence le blesse et le désespère. Il l'attend seul dans une maison, voudrait accueillir sa dame et enfin se poser -- ce qui ne cesse de surprendre quand on sait à quel point Saint-Exupéry est nomade et toujours sur la route…
"Si je t'attendais mieux Mais je n'ai préparé […]ma maison ni mon cœur
J'ai des bouquins […] et quelques fleurs
Et j'ai ce grand lit froid dans l'ombre mais peut-être
qu'il faut offrir bien plus aux deux pour les connaître."
Les phrases suivantes sont entièrement barrées :
"Je sais bien. Le silence est un miel ajouté
Cette maison, ce lit, d'autres l'ont habité.
Je n'ai pas attendu ce pas que l'on devine l'inestimable signe
J'ai si peur de la mort quand le jour se termine.
J'ai fait tuer le peuple ici et m'y résigne
Mais quel silence il faut
La blancheur de ce lit
Cette maison, ce lit, d'autres l'ont agité
Et je n'ai pas assez désiré le silence leurs absence
Et j'ai trop regretté ma chair de leur présence
Je vois bien à présent ce qu'il faut de silence.
J'aurais dû te bâtir l'esquisse de silence
Ou le pas le plus pur
Peu à peu, nuit et jour pour qu'un pas enchaîné
J'ai trop fait de tapage ici que j'aurais dû
Te bâtir nuit et jour l'esquisse de silence
Où le pas le plus doux dégage sa présence
Où pour le suppliant nul signe n'est perdu
et je me tais ce soir afin que ne m'évite
Plus ta sagesse, afin que tu puisses frapper.
Mon adoration saurait t'envelopper
Vois
Et combien mon silence est un miel qui s'ajoute Au miel
[…]
A ces chuchotements les voix que ton ombre redoute
Devine… mon silence est un miel qui s'ajoute
[…]
Etoiles ma fenêtre est pleine de lumière
Je médite accoudé j'ai […] le visage des morts
[…]
L'on percevra sur toi le poids de mes prières Tu me feras peut-être un signe des paupières".