1961 et s.d. (vers 1963). Gaston Chaissac expose à partir de 1960 à la galerie Iris Clert : c'est pour lui une consécration. Agé, malade, il est toujours plaintif, mais ses lettres sont plus riches en évocations artistiques que d'autres correspondances. 13 p. in-8 ou in-4, papier ligné ou à carreaux de cahiers d'écolier. 1 env. cons.
- 2 p. Ecriture tremblante et tombante vers la droite, nombreuses ratures. "L'avenir me reste sombre. Mais je ne me sens pas complètement effondré, pourvu que je puisse me payer une secrétaire si je tombe plus avant dans l'infirmité je pourrais me racrocher à la littérature... Hier j'ai envoyé une lettre de remerciements à Daniel Cordier, pour m'avoir vanté à la radio et je lui parle du douloureux panari de Lily Dubuffet. Mes oeuvres actuelles sur lesquelles je m'étais illusionnés sentiraient la fatigue" "Dubuffet aimait les dessins de Maurice Charreau, voisin de Bois de la Seppe (d'où sortire mes 1er totems) avec qui j'étais allé chercher des poissons chats pour son étang. Je pense parvenir sans difficulté à faire "remenaitre" [sic] la paternité d'assez de mes créations pour prétendre au qualificatif de créateur. amitié. Marcele ex-pimbêche alias Gaston Chaissac." / - 2 p. Très belle lettre à la suite d'une de ses expositions chez Iris Clert. Il se trouve très proche d'Artaud et a peur de la solitude, regrette le manque de reconnaissance. "Irénée Mauget qui jadis m'exposa me félicite vivement de mon exposition chez vous et va en parler dans 'Masques et Visages' ... En ouvrant ce matin une caisse, j'ai trouvé un masque en vannerie peinte. Et j'ai depuis hier un autre tableau et un grand collage. Comme on avait prévu pour moi un engouement du public COMME POUR ARTAUD, CA ME DONNE A REFLECHIR JE PENSE A SA LAMENTABLE FIN SOLITAIRE.... Je suis toujours déprimé avec de l'anxiété et parfois des idées bizarres à la clef. J'ai des nuits parfois quasi blanches... P.s. Chicago, voilà où il me faudrait vivre : Climat continal" "Gaston Chaissac". / - 3 p. Nombreuses ratures. Confession très crue et portrait de Chaissac pour Iris Clert : "Je ne suis pas mal de ma personne, pattes de sauterelles mais nez presque grec... Je fut (sic) quasi heureux quoique indigent dans mon enfance à jouer à la carotte dans ma taupinière de lande...et assez de foi pour compter sur les grâces d'état pour le reste. JE CHIAIS MOU MAIS VOILA QUE JE CHIE DURE MAIS PEINDRE ET ÉCRIRE TEMPÉRAIT MES SPASMES...Alors j'ai peint comme (on peint à la loterie) on prends un billet à la loterie. Si je gagnais je m'établirais éleveur de chevaux. Soudain la réalisation de mes chers projets me sembla dans le sac mais c'était à l'eau...et où est le temps béni ou je jouais à la carotte dans une taupinière de la marlande. CHERE AMIE. JE SUIS SÉRIEUSEMENT MALADE et vous prie chère amie de larder (?) ou d'étoffé le texte pour lui donner la longueur demandé. Amitiés Gaston." / - 2 p., 1961, quelques ratures, écriture relativement régulière. Chaissac s'exprime sur sa peinture, sur ses totems, sur sa pauvreté récurrente et ses endettements continus, il est prêt à faire des concessions pour être dans de grandes collections. Iris Clert lui demande de produire plus, ce qui n'est pas réalisable : "c'est en effet souvent sur de mauvais matériaux que je me révèle le plus créateur. Et il faut dire du reste que ces matériaux m'ont plu et excités au point que je les choisisse et que j'en fasse quelque chose. Je crois comprendre qu'il vous faudrait disposer d'ici peu d'un tas de totems hélas outre que je suis asthénique je suis obligé d'employer les faibles forces dont je dispose surtout à d'autres choses qu'à l'art. Je suis très au courant de mon cas. Quoique disposant de peu de moyens je suis arrivé à pas mal me faire connaitre et j'aurai combien pu faire mieux si je n'avait [sic] pas été constamment à cours d'argent...Je comprends la nécessité de jeter du leste et de faire des concessions pour être dans de grandes collections... On me conseille de me borner à une clientèle régionale... Je donne néanmoins votre adresse à ceux qui voudraient m'acheter directement. Et j'ai parlé de la probable exposition que vous me ferez. Ça passera à la télévision le 17/8/61 à 20h30. APRES LA VIE DE MISERE QUE J'AI EU, ON SERAIT DEMOLI À MOINS." / - 2 p. BEAU DESSIN (homme au béret) annoté : "3 vodka, 3 fine double, simple 5... j'ai de nouvelles œuvres et de l'orme en planches pour les totems. Je peux refaire de la bicyclette. À en croire la rumeur, j'aurais même eu des démêles avec la gestapot [sic]... J'écris par le même courrier à Edmond Gravaulle (?) je lui dit avoir réussi à capter les idées sur l'art de Melle Guignepied qui s'est baladé avec Dubuffet...". / - 2 p. Cahier d'écolier, écriture irrégulière. Histoire de l'art par Chaissac, sur sa côte, sur sa place dans l'art moderne... Sa recherche de plénitude, très surprenante. "Ces Chaissac au rabais sont sans doutes des gouaches vignettes médiocres. Je tentes en ce moment de me reconstituer des œuvres de petit format vers le sans reproche. Mes œuvres de jeunesse sont très inégales. Celles choisies par André Bloc Bloc, (sic) semblent le dessus du panier... Ce serait inquiétant si les vieux Chaissac se vendaient 50 francs. Je continue d'être très discuté et discrédité. JE SUIS PLUS SENSIBLE A L'ART DE MONDRIAN QU'AU MIEN..."