Collage original, signé en bas à droite. 8, 8 x 13, 7 cm, encadrement sous verre.
Sur un fond chromolithographié de paysage montagneux nocturne zebré d'étoiles filantes, flotte une femme en jupon et cheveux sortie d'une carte postale galante 1900, à laquelle Éluard a dessiné un blanc collier d'étoiles.
Paul Éluard fut associé de près aux travaux de collages surréalistes de Max Ernst. Celui-ci, reprenant à son compte cette technique de juxtaposition cubiste, l'avait orientée de manière novatrice vers un onirisme plein de surprises, en jouant sur des associations inattendues et malicieuses. Éluard travailla en 1922 sur les recueils de Max Ernst Répétitions et Les Malheurs des immortels.
" À l'Intérieur de la vue " de Max Ernst. Paul Éluard écrivit également plusieurs textes, publiés en 1948 sous le titre À l'Intéreur de la vue, inspirés de la série de collages du même titre qu'Ernst avait réalisés pour Valentine Hugo en 1932 (cette série comprend 8 " poèmes visibles " réunissant un total de 20 compositions).
Le présent collage ressemble presque exactement à la partie basse du cinquième collage du " Second poème visible " de cette série de Max Ernst. Le " Second poème visible ", a inspiré à Éluard le texte suivant :
" I
Six cent soixante-dix soleils, quand j'éteignis la lampe, descendirent dans le gouffre de mes yeux.
Comme au creux des Alpes, le rayon foudroyant du jour le plus court de l'année. La lumière contrariait mes habitudes, froissait la pudeur acquise dans les circonstances honteuses de la vie commune. Le rideau de cristal noir était crevé. Je me trouvais sous la loupe épouvantable de six cent soixante-six soleils et je me supposai couvert de boues, de croûtes, de cendres, de poils emmêlés, de matières inconnues plus rebutantes que celles que je n'avais jamais osé toucher.
Le lendemain, les yeux ouverts, je me vis successivement revêtu de mousses, de flocons, de coraux, de glaciers et d'un petit feu tranquille et mordoré.
En somme aussi grand que nature.
II
Haute lignée des étoiles. De ses rames acharnées l'œil bat en vain le temps.
Caprice d'un observatoire, premier caprice d'une vierge faible pour un gibier indifférent.
Elle vise au hasard et s'agite sans fin. Son regard est tenu en laisse.
Elle surveille de si loin toutes les routes. Rien ne passe. Et chaque flèche qu'elle envoie la déçoit.
III
Une femme, laissée sans lumière, ayant même perdu celles de sa propre substance, de son premier état humain. Fantôme de l'iniquité, qui ravage les longues terres fertiles que j'explore. Bête vouée tout entière à l'impuissance des monstres vidés, elle se lève de mes pas, elle qui aurait pu tenir à mes côtés la place du plaisir englouti, du bonheur inconnu. Elle que rien ne préserva. "
Provenance
- Collection Valentine Hugo.
- Bibliothèque Jacques Matarasso (n° 413 du catalogue de sa vente aux enchères, Paris, Hôtel Drouot, étude Loudmer, 3 décembre 1993, avec reproduction en couleurs). Il ornait alors le faux-titre d'un exemplaire dédicacé à Valentine Hugo de son livre Grain-d'aile, paru en 1951.
Expositions
- EL POETA COMO ARTISTA. Las Palmas, Centro Atlántico de Arte Moderno, 4 avril-21 mai 1999. Reproduction p. 182 du catalogue.
- L'UN POUR L'AUTRE, LES ECRIVAINS DESSINENT. Caen, IMEC, Lisbonne, Musée Berardo, Ixelles, Musée communal, janvier 2008-janvier 2009. Reproduction dans la notice n° 44 du catalogue.
Bibliographie
- DESSINS D'ECRIVAINS. Paris, Éditions du Chêne, 2003. Reproduction p. 82.
- GATEAU (Jean-Charles). Paul Éluard et la peinture surréaliste, p. 220.