Artiste complet et virtuose dans une multitude de techniques aussi différentes les unes des autres : talentueux illustrateur, graveur sur bois, virtuose de l'eau-forte mais aussi sculpteur, caricaturiste et poète, Gustave Doré a aussi été un peintre capable de réaliser de grandes compositions historiques d'inspiration romantique, des scènes de genre pittoresques et des paysages naturalistes d'Ecosse, de Suisse ou français comme l'ont montré les expositions récentes du musée de Brou à Bourg-en-Bresse (2012) et du musée d'Orsay (2014). A l'intérieur de cette œuvre multiple et protéiforme, il a aussi inventé des unica étranges et inattendus non dénués d'humour (par exemple, Entre Terre et Ciel, avec une grenouille attachée à un cerf-volant au musée de Belfort (toile, 61 x 51 cm)).
Notre toile, cadrée à ras de terre, comme s'il s'agissait du point de vue d'un animal, peut être comparée au Paysage d'été du Museum of Fine Arts de Boston (Inv. 73.8, fig. 1), dont elle pourrait constituer une première idée. On y retrouve en plus grand format (toile, 266 x 200 cm) la faux au sol, la haie de marguerites et l'envolée de papillons. La symbolique de chaque élément est claire : la mort, l'amour pur et la régénération ; les papillons représentant l'âme humaine, la Psyché, la renaissance et l'immortalité. A cette vision panthéiste, Gustave Doré allie une référence à la célèbre aquarelle de Dürer, la Grande touffe d'herbes (aquarelle et gouache, 40,8 x 31,5 cm, Vienne, Albertina) par le désordre apparent des tiges et des plantes, créant une image toute en mouvement, rappelant aussi la fraicheur réaliste d'un Jean-François Millet et de certains préraphaélites. Il donne ici une image heureuse, lumineuse de la vitalité de la Nature.