Commentaire :
Jean-Louis Ducis, élève de David, épousa la sœur du grand tragédien Talma et appartenait, selon Delécluze, au " parti aristocratique " qui réunissait Forbin, Granet, Révoil et Richard, à la fois les initiateurs et les 'piliers' du style " troubadour ".
Lors du Salon de 1812, Louis Ducis inaugurait une série de quatre toiles consacrées à la vie du Tasse, avec Le Tasse chez sa sœur. Deux ans plus tard, le Tasse lisant ses vers à la princesse Léonore et Le Tasse en prison étaient dévoilés au public. Le premier tableau fut acheté par l'impératrice Joséphine qui figurait parmi les collectionneurs les plus férus du style " troubadour ". Au Salon de 1819 le peintre présenta le dernier tableau de la série, La Mort du Tasse au couvent de Saint-Onuphre, actuellement conservé au musée de Blois et dont notre tableau est une reprise autographe.
Torquato Tasso, dit Le Tasse (1544-1595) est l'auteur de la célèbre Jérusalem délivrée qui fut une source perpétuelle d'inspiration pour les artistes. La vie même du poète est digne d'un roman et fut la source d'inspiration de nombreux artistes au début du XIXe siècle. La dimension dramatique de sa vie inspira les romantiques, ils représentèrent l'artiste incompris, le génie persécuté par les médiocres et facilement accusé de folie.
La mort du Tasse au couvent de Saint Onuphre est de peu postérieure au poème de Byron, Lament of Tasso, écrit en 1817. Dans notre composition, l'artiste reprend le thème du grand homme sur son lit funéraire. Le poète est couronné de lauriers par le cardinal Cinthio, accompagné d'une partie du clergé. Tout autour, la foule est venue se recueillir et rendre un dernier hommage à celui qui devait recevoir le lendemain les honneurs du triomphe au Capitole selon la volonté du pape Clément VIII.
A l'arrière-plan dans l'angle supérieur gauche de la composition l'on aperçoit le Capitole, baigné d'une lune douce et envoûtante. La lumière froide et romantique, comme un écho au teint blafard du défunt, s'oppose à l'ambiance solennelle donnée aux funérailles grâce à la chaleur des bougies du premier plan et à la soie cramoisie de l'habit du cardinal.
L'extrême minutie avec laquelle le peintre a détaillé les vêtements des personnages et les pièces d'orfèvrerie du premier plan, cet extrême souci du détail historique que nous retrouvons dans notre tableau illustre une des principales caractéristiques de cette peinture " troubadour " qui mêle le récit des faits illustres de l'histoire nationale et une volonté de description archéologique.
Une esquisse préparatoire pour le tableau du Salon, avec très peu de variantes mais de forme ovale, est conservée au musée de Pau. En outre la composition fit l'objet d'une lithographie par Godefroy Engelmann, témoignant ainsi de son succès.