Où il est question de la redevance audiovisuelle et de brevets pour "verrouiller une émission"
6 ff. manuscrits, in-4, papier américain au filigrane "Gilbert Dispatch Bond".
Dessin d'un petit personnage (5,5 x 5 cm) en tête de la première page. Versos des ff. 2, 3, 4 et 6 avec des croquis techniques, essais de plume ; l'un d'eux (f. 6) fait étrangement penser à une petite planète couverte de volcans… Texte très raturé, avec des paragraphes hachurés, de longs ajouts dans les marges. Les ff. sont structurés en chapitres numérotés I à IX.
Saint-Exupéry non seulement théorise la redevance télévisuelle, mais donne des moyens techniques pour limiter les émissions pour les spectateurs qui ne l'auraient pas payée. Il n'est pas si surprenant que cela que Saint-Exupéry s'attache ici aux problèmes audiovisuels et la diffusion par les ondes : rappelons qu'il a déposé des brevets sur une "Nouvelle méthode de repérage par ondes électromagnétiques" (fév. 1940), et d'autres appareils relatifs aux ondes.
Les raisons de la redevance. "Le problème de la télévision commerciale, qui est en fait celui du financement des émissions, serait entièrement résolu si […] chaque usager versait à l'occasion de chaque spectacle dont il bénéficie une redevance proportionnelle à la durée et à la qualité du spectacle sans qu'aucune fraude […] ne soit possible. […] Pour illustrer par un exemple l'arme possible que de telles conditions offrirait pourraient offrir à la télévision supposons qu'il existe l'existence de deux millions de postes de télévision seulement contre les vingt millions de poste radio. Supposons qu'une société d'émission annonce pour le soir un spectacle sensationnel, d'une actualité tel qu'un match retentissant qui tienne haletant le pays entier ou quelque événement sensationnel d'actualité qui tienne haletant le pays entier. Si l'on tient compte de ce que le récepteur de télévision alimente du nucléaire ? un groupe peut offrir un écran non à un individu mais à un groupe d'individus, si l'on tient compte de ce que les individus s'épargnent tout dérangement en même temps qu'ils économisent le transport et le prix d'une entrée au spectacle, il ne paraît pas exagéré de taxer au prix de dix dollars une séance de haute qualité. Si l'on admet enfin alors enfin que la moitié seulement des usagers s'intéresseront à cette émission il reste qu'elle rapportera des millions de dollars." [Notons qu'il parle de dollars : le texte a pu être écrit lorsqu'il était aux Etats-Unis ?].
Le verrouillage des émissions. Ensuite, les chapitres I à III, très techniques, visent à développer de nouvelles techniques qui pourraient faire l'objet de brevets. L'un est capitale : il semble imaginer un système de cryptage (de "verrouillage", dit-il), qui permettait aux seuls spectateurs abonnés de visualiser l'émission, un peu comme certaines chaînes payantes le font de nos jours :
"Nous brevetons donc essentiellement le verrouillage de l'image (par des perturbations suffisamment grossières pour que le courant de déverrouillage puisse être transmis par fil) et le déverrouillage de cette image par le courant d'un fil." (chap. II) Le système qu'il imagine permet une taxation juste, en fonction de la consommation de chacun : "L'avantage […] réside dans le fait que non seulement les frais des postes d'émission sont prélevés sur l'usager mais que les spectacles, selon leur [?] et leur coût, peuvent être taxés à des prix différents. Il est évident qu'une famille de cinq quelques personnes ou une réunion de voisins qui économisera ainsi le transport, le dérangement, et le prix des billets d'entrée, acceptera volontiers de payer un ou même plusieurs dollars pour assister à une pièce nouvelle à succès, un film nouveau, ou quelque match retentissant. Les sommes collectées étant automatiquement affectées au poste d'émission correspondant celui-ci peut faire les frais correspondant à ces émissions et [?] telle que celles d'un film nouveau, pour la diffusion duquel les producteurs du film ne pourraient que réclamer un dédommagement équivalent au manque à gagner dans les salles de projection" (chap. VI). Et de conclure : "Le contrôle de tels brevets assure le contrôle des émissions puisque les émissions verrouillées seront les seules payantes et en conséquence le contrôle à la construction des postes de réception puisque le dispositif de déverrouillage permettra seul leur usage utilisation." (chap. XIX).