Dessin original, signé " M. Claude Simon " sur un dessin d'enveloppe. Encre brune et plume, 20 x 26 cm, encadrement sous verre.
Autoportrait d'une genèse littéraire. Claude Simon s'est représenté en train d'écrire sur une feuille à son bureau devant une fenêtre ouvrant sur des feuillages. Il s'agit probablement d'une pièce dans sa maison familiale de Salses-le-Château près de Perpignan (Pyrénées-Orientales), comme le suggère l'adresse lisible à son nom sur la lettre dessinée. L'écrivain a évoqué cette maison dans son ouvrage très autobiographique Le Jardin des plantes (1997).
Claude Simon a d'ailleurs dessiné plusieurs compositions similaires le représentant en train d'écrire à des bureaux placés devant des fenêtres, notamment à celui de son appartement parisien de la place Monge - dessin reproduit dans son ouvrage Orion aveugle (1970).
Le bureau d'écrivain délimite un lieu à part entière des romans de Claude Simon. La Bataille de Pharsale (1967) est par exemple composé entièrement à partir de l'observation des objets posés sur le bureau où il s'écrit. Aude Michard a souligné l'importance du bureau, comme celle de la fenêtre et de la végétation dans l'œuvre de l'écrivain :
" Le bureau, le meuble à proprement parler, celui de l'enfant ou de l'adolescent composant ses versions latines et problèmes de géométrie, puis celui du narrateur qui deviendra écrivain, délimite dans un espace réservé un lieu à part entière.
Le rectangle est peut-être la figure géométrique la plus importante dans les romans de Claude Simon, car c'est la forme que présentent les fenêtres, les pages de livres, les tableaux, les photographies, les écrans de cinéma et les scènes de théâtre. C'est la "matrice géométrique de l'espace visible".
Le "monde d'image" surgit à la table d'écriture où se trouve le personnage à la fin de La Bataille de Pharsale, au début d'Histoire, le narrateur à l'explicit de L'Acacia, S. enfin dans Le Jardin des plantes.
Le rectangle des feuilles contient une inifinité de lieux : pour le général ceux à conquérir ou administrer, pour l'adolescent et le romancier ceux à inventer ou restituer.
La valeur et le pouvoir de la table de bureau sont augmentés en raison de sa position : face au rectangle de la fenêtre [...]. Le personnage simonien se dérobe en effet aux situations oppressantes par de régulières échappées hors de soi lorsque son attention, ou son regard plus exactement, car en réalité l'attention est suspendue, se fixe sur l'extérieur [...].
Le jardin, les arbres et leurs feuilles, "la mystérieuse palpitation végétale [...] l'impérieuse et incessante circulation de la sève, les secrètes mutations de la matière, la multiple respiration de la terre [...] (Ty, 207-208) sont longuement décrits dans les romans de Claude Simon. Ils proposent au personnage un refuge en lui restituant une intégrité d'être vivant [...]. " (Claude Simon : la question du lieu, Paris, L'Harmattan, 2010, pp. 55-57).
Provenance
Collection Maurice Nadeau.