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" Le meilleur de mes disciples "
C'est par ces mots, adressés à Dudley Carleton, diplomate, secrétaire d'Etat et surtout collectionneur d'art notoire, que Rubens décrivit Antoine van Dyck, jeune artiste au talent exceptionnellement précoce, travaillant encore dans l'atelier de son maitre. Nous sommes alors vers 1618, Antoine a 19 ans à peine, et jouit déjà d'une réputation grandissante à travers l'Europe.
Né au sein d'une famille aisée d'Anvers en 1599, van Dyck présente dès son plus jeune âge des aptitudes au dessin et à la peinture tout à fait extraordinaires. Ainsi, après quelques temps d'apprentissage chez le peintre Hendrik van Balen, il entre dès 1617 dans l'atelier de Pierre-Paul Rubens, alors artiste flamand le plus influent en Europe. Cette période au sein de l'atelier de son maître fut absolument décisive dans l'œuvre de van Dyck, c'est à cette époque qu'il deviendra un peintre talentueux, nourri des préceptes d'un des plus grands artistes de son temps.
L'œuvre inédite que nous présentons à la vente doit justement être rapprochée de la première manière anversoise du peintre, entre 1617 et 1619, au moment même où le jeune Antoine apprend et ne cesse de peindre sous les conseils et le regard avisé de son glorieux ainé. Il n'est pas encore le grand maître du portrait, précurseur et inspirateur de toute l'école anglaise du XVIIIe siècle, de Gainsborough à Reynolds, mais il témoigne déjà d'une virtuosité absolument déroutante. Ainsi, notre tableau, esquisse représentant l'Enfant Jésus, offre un aperçu fascinant de ce qu'a pu être le travail d'atelier de l'un des plus grands peintres du XVIIe siècle.
Les progrès du jeune peintre passent donc par la répétition de ce type de travaux et d'études, particulièrement dans l'atelier de Rubens, lui-même grand praticien du genre. L'esquisse est alors au centre de toute la production artistique du jeune van Dyck. Elle permet, par le mouvement du pinceau et sous couvert d'une maitrise technique parfaite, la transmission d'un sentiment ou d'une émotion, la représentation soudaine de ce que l'œil a pu capter. Avec l'esquisse, le temps s'arrête, l'instant devient éternité. C'est précisément ce que notre artiste, grand virtuose des représentations ad vivum, parvient à faire ressentir dans cette œuvre : l'enfant semble en mouvement, l'œil brillant, vivant. On peut parfaitement ressentir l'équilibre instable d'un petit enfant balbutiant ses premiers pas, retenu par une main très vite brossée, nous rappelant que l'œuvre fut réalisée de façon fulgurante, en juste assez de temps pour que van Dyck puisse capturer l'essentiel de l'anatomie du très jeune modèle.
Le style et la manière de notre tableau sont caractéristiques des œuvres de jeunesse de van Dyck. Il révèle la matière puissante, épaisse, presque sculpturale de ses premiers travaux, jumelée à l'utilisation opportune d'un brun profond pour le détourage de la figure. Cette esquisse présente aussi une superposition typiquement rubénienne des couches, plus particulièrement sur le visage et les jambes, témoignant de l'assimilation par l'élève des enseignements de son maitre. Nous pouvons observer cette même technique et le même mouvement des jambes dans Les Préparatifs du martyre de saint Sébastien (fig. 1), tableau de jeunesse de la même période anversoise, conservé au Louvre. Une Sainte Famille aujourd'hui connue que par une gravure de Bolswert Schelte Adams (fig. 2) présente encore un Enfant Jésus s'apparentant à celui de notre œuvre. La touche et le dessin de van Dyck se retrouvent également dans la main droite de l'enfant, merveille de finesse et de vérité. Finalement, cet enfant à la personnalité pétillante, constitue l'exemple absolu de l'esprit de van Dyck à ses débuts.
Notre œuvre, à l'instar de nombreuses esquisses du maitre flamand, connut une trajectoire assez étonnante. Modifiée après la mort de l'artiste, elle devint, dans le courant du XVIIIe siècle, l'original de multiples copies aux dates et qualités variables. L'Enfant Jésus perdit toute sa touchante simplicité et devint Salvator Mundi. La main soutenant l'enfant est cachée, un serpent et un globe sont ajoutés à la composition : l'esquisse se mue en tableau finit, l'œuvre redevient " vendable ". Notre tableau lors de sa découverte récente et avant la restauration qui lui restitua son état d'origine illustre ces ajouts (fig. 3). Nous présentons aujourd'hui notre esquisse telle qu'elle fut imaginée par van Dyck et en accord avec ses réelles ambitions : représenter sur une toile un enfant dans ce qu'il a de plus pur, pour en faire rayonner une profondeur et un mysticisme étourdissants.
Nous remercions le professeur Christopher Brown, et le professeur Susan J. Barnes d'avoir confirmé l'authenticité de notre esquisse.
"The best of my pupils"
It is with these words, written to the diplomat and secretary of State and also, especially, well-known art collector Dudley Carleton, that Rubens described Anthony van Dyck, a young artist of exceptionally precocious talent who was working in his master's studio. This was in 1618; Anthony was barely 19 years old, and his reputation was already growing throughout Europe.
Born into a prosperous Antwerp family in 1599, van Dyck showed an absolutely extraordinary talent for drawing and painting from a very early age. So, after a period of apprenticeship with the painter Hendrik van Balen in 1617, he entered the studio of Peter Paul Rubens, who was at the time the most influential Flemish artist in Europe. This period in his master's the studio was fundamental to van Dyck's work as this is when he became a talented painter, nurtured by the precepts of one of the greatest artists of his time.
The newly discovered work we are presenting at the sale should in fact be connected with the painter's first Antwerp manner, between 1617 and 1619, at the time Anthony was learning and ceaselessly painting under the watchful eye of his glorious predecessor and following his advice. He was not yet the great master of portraiture, precursor and inspirer of the entire English School of the 18th century, from Gainsborough to Reynolds, but he had already shown an absolutely disconcerting virtuosity. Thus our painting, a sketch showing the Child Jesus, provides a fascinating glimpse at the studio activity of one of the greatest painters of the 17th century.
The young artist made progress through the repetition of this type of work: oil studies, especially in Rubens's studio, where the master was himself a great practitioner of the genre. The sketch is thus at the very centre of the young van Dyck's artistic production. Using the brush's movement and with perfect technical skill, it transmits a feeling or emotion, the sudden depiction of what the eye has captured. With the sketch, time stops, the instant becomes eternity. This is what our painter, a great master of working ad vivum, has precisely succeeded in arousing in this work: the child seems to be moving, the eye shining, fully alive. We can sense the unstable balance of a small child stumbling with its first steps, held by a very rapidly brushed hand, reminding us that this painting was create like wildfire, in just the time Van Dyck needed to capture the essentials of the very young model's anatomy.
The style and manner of our composition are typical of van Dyck's early works. They reveal the powerful painting, thick and almost sculptural handling of his early works, twinned with the timely use of a very dark brown for the edging of the figure. This sketch also shows the superimposition of layers typical of Rubens and his pupils, especially on the face and the legs, showing the pupil's assimilation of his master's teaching. We can observe this same technique and similar movement of the legs in the 'Preparation for the Martyrdom of St. Sebastian' (fig. 1), an early painting from the same Antwerp period, now at the Louvre. A 'Holy Family' now known only from a print by Bolswert Schelte Adams (fig. 2) also includes a Child Jesus that is close to our work. Van Dyck's touch and rendering of contours can also be seen in the child's right hand, a marvel of delicacy and truth. Lastly, this chid with a bubbling personality constitutes the perfect example of his manner at the beginning of his career.
Our work, like many sketches by the Flemish artist, has had quite a surprising history. Modified during the 18th century, after the artist's death, it became the original of many copies of varying quality and different dates. The Child Jesus lost all of its touching simplicity and became a 'Salvator Mundi'. The hand supporting the Child was hidden, while a snake and a globe were added to the composition: the sketch transformed into a finished painting, the work became "sellable". Our painting, when it was recently discovered and before the restoration that brought it back to its original state, included these additions (fig. 3). Today we are presenting our sketch as it was imagined by van Dyck, fitting with his true ambitions: to show on a canvas a child in his purest state, to make him radiate stunning depth and mysticism.
We are grateful to professor Christopher Brown and professor Susan J. Barnes who both confirmed the authenticity of our painting.
[Traduction par Jane MacAvock]