En bois sculpté et redoré, le plateau circulaire ceint d’une frise de perles, le fût en balustre, surmonté de bagues à frise de perles, godrons et feuilles d’acanthe, à cannelures rudentées de feuillage, reposant sur un polygone orné de rinceaux soutenu par un vase flanqué de trois sirènes, la base triangulaire à côtés incurvés ornée au centre d’une corolle de feuillage, l’une des deux inscrites à l’encre L. Figini au revers ; restaurations
H. : 161 cm (63 ¼ in.)
l. : 52 cm (20 ½ in.)
A pair of Louis XVI giltwood porte-torcheres, in the taste of Georges Jacob
D’un modèle exceptionnel par son iconographie, notre paire de torchères se remarque par la richesse et la variété des ornements, ainsi que par la finesse et la précision de la sculpture.
Datable des années 1780, elle fit sans doute l’objet d’une commande destinée à un haut personnage, membre de la Cour ou de la Finance, amateur d’art et au fait des modes en matière de décoration intérieure.
Les figures de femmes, sous forme de sirène, sont en effet associées à la mode des turqueries que le comte d’Artois lança à Paris dès le milieu des années 1770, lors de l’aménagement de son premier boudoir turc au Palais du Temple en 1776. Témoignage parmi les plus connus de cette mode, la table console réalisée par Georges Jacob en 1781 pour le second cabinet turc du Comte d’Artois au château de Versailles, est ornée de sirènes adossées au sommet de chacun des quatre pieds(1).
Georges Jacob employa ce motif pour d’autres de ses meubles, comme sur la chaise longue brisée, estampillée, qu’il réalisa vers 1780-1785, provenant de l’antiquaire parisien Seligmann, puis de la collection de Nélie Jacquemart, aujourd’hui conservée au Musée Jacquemart André(2).
Il est intéressant de remarquer qu’une sirène, elle aussi très proche de figures présentes sur nos torchères, a été sculpté pour former l’une des consoles d’accotoir sur la maquette en cire d’une bergère, réalisée vers 1780 par Jacques Gondoin (1737-1818), dessinateur du Garde Meuble de la Couronne, pour les sièges de Marie-Antoinette au pavillon de Belvédère à Versailles, aujourd’hui au musée du Louvre(3).
Enfin, deux autres exemples sont constitués par une console demi-lune d’époque Louis XVI, en bois sculpté et doré, provenant de l’ancienne collection Eugène Kraemer(4), qui repose sur des caryatides en terme comparables aux nôtres, ainsi que par une veilleuse provenant de l’ancienne collection Diane de Castellane(5), qui présente elle-aussi une sirène adossée au sommet du dossier.
Jean-Demosthène Dugourc et le goût arabesque
L’originalité du décor et la combinaison des multiples ornements à la turque laissent supposer l’intervention d’un ornemaniste. Il faut penser tout d’abord à François Joseph Bélanger (1744-1818), premier architecte du Comte d’Artois depuis 1777, ou encore son beau-frère Jean-Demosthène Dugourc (1749- 1825) nommé en 1780 «dessinateur du Cabinet de Monsieur, frère du Roi».
Il fit de la même manière pour Laborde, banquier de la Cour, et pour Saintes James, Trésorier de la Marine, les deux plus riches particuliers de France, des maisons de plaisance et des jardins du genre anglais d’une vaste étendue. En 1782, Dugourc publia un recueil d’ornements sous le titre Arabesques, nom d’appellation qui finira par caractériser la mode ornementale du début des années 1780. Y figurent des personnages féminins terminés en enroulements d’acanthe, adossées ou affrontées de part et d’autre d’un vase. Ces motifs envahissent les murs peints des cabinets ou les bronzes d’ameublement(6). Également, sur un Projet de décoration de cabinet à la française pour le Pardo dû au même Dugourc, qui ne fût jamais réalisé, sont représentées des torchères placées de part et d’autre d’une alcôve dont le schéma n’est pas sans rappeler celui de nos torchères(7) ou celui des torchères de l’hôtelparisien de la princesse Kinsky, rue Saint Dominique(8).
(1) Inv. OA 5234, voir Décors, mobilier et objets d’art du Musée du Louvre, de Louis XIV à Marie-Antoinette, Paris, Louvre Éditions, 2014, pp 432-433, cat. 179.
(2) Inv. MJAP-M 1445, voir B.G.B. Pallot et al, Le Mobilier français du Musée Jacquemart André, Tome 1, Dijon, 2006, pp.182-185.
(3) Musée national des châteaux de Versailles et des Trianon, dépôt au musée du Louvre, inv. V 6159, voir
C. Gougeon, Deux exceptionnelles maquettes de meubles en cire provenant du Garde-Meuble de la Couronne, La revue des musées de France. Revue du Louvre, 3, 2014, p.88-93 et notamment fig. 4.
(4) Vente Galerie Georges Petit, 28-29 avril 1913, n° 168 ; vente à Paris, hôtel Drouot, Couturier Nicolay, le 31 mars 1994 ; S. de Ricci, Le style Louis XVI, Paris 1913, reproduit p.74.
(5) Sotheby’s Monaco, le 9 décembre 1995, lot 50 puis Sotheby’s Monaco, le 13 décembre 1997, lot 79.
(6) C. Baulez, François Rémond et le goût turc dans la famille royale au temps de Louis XVI, L’Objet d’art, 2, décembre 1987, p.24-45.
(7) Vente à Paris, hôtel Drouot, Arcole,
le 3 juin 1988, lot 10.
(8) Sotheby’s à Monaco, 1975-1985, paire de torchères identifiées en 1983 par Christian Baulez comme provenant du Salon de Musique de la princesse Kinsky dans sa résidence parisienne, voir C. Baulez, Le luminaire de la princesse Kinsky, L’Estampille-l’Objet d’art, 247, mai 1991, p.84 et suiv.