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La dance de noces en plein air de Pieter Brueghel le Jeune est sans doute l'image la plus célèbre de l'art flamand du XVIIe siècle. Au détour de nos visites et de nos lectures, tant de versions nous sont passées sous les yeux que nous ne nous laissons plus vraiment arrêter par la composition en elle-même mais plutôt par une qualité d'exécution particulièrement raffinée ou bien par un détail qui décide soudain de nous sauter aux yeux.
Brueghel ne dit en effet jamais son dernier mot et ici encore, il vient nous surprendre et nous proposer de l'inattendu. Cette charmante petite danse de noces en tondo est en effet différente des autres (voir par exemple fig. 1) (1) à bien des égards. Tout d'abord par son format circulaire, que l'artiste a utilisé bien souvent mais pour d'autres sujets, comme ses illustrations de proverbes. Ensuite par sa composition, que le peintre a allégée et modifiée, découvrant davantage l'arrière-plan et jouant avec ses figures, proposant ainsi au spectateur une version renouvelée de l'un de ses thèmes favoris.
Sur une place arborée se déroulent les réjouissances d'une noce villageoise. Les couples dansent et chacun se divertit et boit à l'envi, tous s'amusent, dans l'ivresse et au rythme des cornemuses. Le cadrage moins resserré de notre tondo nous permet de distinguer à l'arrière-plan le village et ses habitants, ainsi que les coulisses du festin avec deux grandes marmites placées sur des feux. La mariée, reconnaissable à sa longue robe sombre et à sa chevelure laissée visible et coiffée d'une couronne, a quitté la table du banquet qu'elle occupe habituellement et s'est rapprochée des danseurs, qu'elle n'a cependant pas encore rejoint comme dans la Danse de noces du musée de Detroit, parfois considérée comme la version originelle de Pieter Brueghel l'Ancien2. Les détails du petit chien que l'on imagine jappant devant les pieds des danseurs et de l'homme se soulageant contre le mur à droite ajoutent au charme rustique de la scène.
Notre panneau, daté de 1625, s'intègre dans un corpus de plus de trente versions signées et datées entre 1607 et 1626 par l'artiste et répertoriées tant par Georges Marlier que par Klaus Ertz3. Les deux plus anciennes, datées de 1607, sont actuellement conservées au musée royal des Beaux-Arts de Bruxelles et à la Walters Art Gallery de Baltimore. Il convient cependant de le rapprocher également d'une autre danse de noces breughélienne, cette fois-ci non plus en plein air mais dans une grange, dont de nombreuses versions de qualité variable sont répertoriées (fig. 2)4. Les trois couples dansants représentés au premier plan au centre et à gauche en sont en effet repris.
Avec ce petit tondo, Pieter Brueghel le Jeune propose au spectateur une vision renouvelée de ses représentations joyeuses et colorées des noces paysannes flamandes, mêlant des motifs de ses célèbres compositions de banquets et de danses, et nous offrant ce voyage dans le temps vers un heureux événement de la vie rurale et villageoise du début du XVIIe siècle.
1. Huile sur panneau, signé et daté 'BREVGHEL. 1624.', 37,50 x 52 cm. Vente anonyme ; Paris, Artcurial, 26 mars 2014, n° 106 (vendu 1,6M€).
2. Voir M. Snellink, 'Brueghel : The Complete Paintings, Drawings and Prints', Londres, 2007, n°151.
3. G. Marlier, 'op. cit.', 1969, p. 183-204 et K. Ertz, 'op. cit.', 2000, vol. 2, p. 722-736.
4. K. Ertz, 'op. cit.', 2000, vol. 2, p. 716-721: " Hochzeitstanz in der Scheune ". Nous reproduisons ici la version conservée à la National Gallery of Ireland de Dublin.