Comment:
Anciennement attribué à Théodore Géricault, ce portrait fut longtemps considéré comme étant une étude pour sa célèbre toile représentant le naufrage de la Méduse ; mais des recherches récentes nous ont permis de rendre cette œuvre aux pinceaux d'un autre peintre voyageur : François-Auguste Biard.
En 1827, Biard s'engage en tant que professeur de peinture à bord de la corvette la 'Bayadère'. Il navigue alors pendant une année dans tout le bassin méditerranéen à la découverte de terres baignées d'imaginaires. À la fin de ce périple, il accoste sur les côtes africaines et assiste pour la toute première fois au commerce d'êtres humains. L'esclavage et la traite des Noirs seront des thématiques récurrentes dans son œuvre, car, de 1835 jusqu'à son retour du Brésil en 1860, Biard présente au Salon de Paris de nombreux tableaux dénonçant cette pratique.
Nous ne connaissons pas réellement la position de l'artiste face à la question de l'esclavage car ses témoignages le placent souvent dans le rôle de simple observateur. Néanmoins, la fuite ou la liberté de ces hommes lui inspirent plusieurs œuvres majestueuses. Sa toile la plus marquante à ce sujet reste sans nul doute celle illustrant l''Abolition de l'esclavage dans les colonies françaises le 27 avril 1848'1. Notre 'Etude d'homme en buste' en est d'ailleurs très probablement une esquisse préparatoire.
Une seconde étude - datée et conservée dans une collection privée - nous montre ce même modèle assis dans un décor neutre, habillé d'une chemise blanche, avec à ses côtés une paire de menottes symboliquement ouvertes (fig.1). Ces deux œuvres sont assez proches de l''Esclave captif' peint par
John Simpson quelques années auparavant².
Ethnologue dans l'âme, Biard ne triche pas et nous présente la réalité d'un visage marqué par la vie. La barbe hirsute, le regard lointain et le dos voûté sont quelques séquelles laissées par un passé empreint de fatigues. Un espoir est malgré tout possible car nous pouvons distinguer le reflet d'une fenêtre d'atelier qui illumine l'œil de notre modèle. L'extérieur est là , juste devant lui. Cette mise en abyme est une façon discrète et sensible de représenter une envie d'évasion vers un avenir épris de liberté.
Nous remercions Monsieur Baptiste Henriot de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de cette œuvre et pour la rédaction de cette notice. Elle sera incluse dans son catalogue raisonné de l'œuvre de François-Auguste Biard actuellement en préparation.
1. 'Proclamation de la liberté des noirs aux colonies', huile sur toile, 260 x 392 cm, collection du musée du château de Versailles (MV 7382), Salon de Paris de 1849, n°167.
2. J.P. Simpson, 'Esclave captif', huile sur toile, 127 x 101,40 cm, 1827, collection de l'Art Institute of Chicago (2008.188).