Comment:
Inclassable selon les plus grands spécialistes du portrait français du XVIe siècle, cette élégante dame de qualité à l'importante fortune - si l'on en juge par le luxe inouï de son collier de perles - serait représentée en veuve. Mais pourquoi alors arbore-t-elle des bagues à ses doigts ? Par fidélité pour son époux disparu ou tout simplement parce que le peintre qui reçut la commande fut trop attentif à reprendre les mains du merveilleux portrait de la reine Elisabeth d'Autriche, reine de France épouse de Charles IX, par François Clouet (huile sur panneau, 36 x 26 cm, Paris, musée du Louvre, fig. 1).
La singularité de cette œuvre réside notamment dans le collier de perles porté par le modèle. En 1975, dans un article sur la place et le sens de la perle dans la peinture hollandaise du XVIIe siècle1, le professeur de Jongh revient sur l'histoire de ce bijou et sur les différentes interprétations que sa présence sur la toile peut engendrer. Décrivant la fonction iconographique de la perle, il la considère selon les œuvres et son utilisation, comme la représentation du Christ et de son enseignement, de la foi, de la virginité de la Vierge, ou alors inversement comme le symbole de la vanité, ou de la séduction immorale. Il oppose ainsi les " perles de l'Evangile " ou " perles de vertu " aux " perles sataniques " ou " perles de vice ", mettant en exergue le caractère particulièrement ambigu du symbolisme de la perle.
Le parfait état de conservation de ce portrait, qui figurait au sein des galeries de portraits du grand collectionneur Henri Leroux, contribue, par la transparence de ses glacis si bien préservés, à la valorisation de la brillance des perles. L'ampleur du col de dentelle apporte une certaine majesté à cette dame à l'identité mystérieuse.
1. E. de Jongh, "Pearls of Virtue and Pearls of Vice ", in 'Simiolus : Netherlands Quarterly for the History of Art', vol. 8, n° 2, 1975 - 1976, p. 69-97.