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" Une nymphe au bain. Tableau que la touche légère, la couleur argentine et le dessin aisé rendroit précieux sans le nom de l'auteur. " : ainsi est décrit notre tableau dans le catalogue de la vente Thélusson, qui eut lieu à Paris le 1er décembre 1777. Ces quelques mots sont révélateurs de l'admiration que l'on avait alors pour l'œuvre de Carle Van Loo, dont on appréciait à la fois la beauté du coloris et l'élégante maîtrise du dessin.
Croquée par Gabriel de Saint-Aubin dans les marges du catalogue de la vente Thélusson (fig.1), puis gravée en contrepartie par Romanet en 1784, notre nymphe au bain datée de 1750 avait probablement été présentée pour la première fois au Salon de la même année, au seuil de la brillante carrière officielle que le peintre allait mener. Il avait été nommé directeur de la nouvelle Ecole royale des élèves protégés l'année précédente et occupera quelques années plus tard les prestigieuses fonctions de Premier peintre du roi, à partir de 1762, et de directeur de l'Académie royale de peinture et de sculpture dès 1763.
Ses grandes qualités picturales, les nombreuses commandes qu'il reçut ainsi que l'empreinte durable qu'il laissa sur toute une génération d'élèves en font l'un des peintres les plus représentatifs du règne de Louis XV, à tel point son nom sera associé à celui de " Pompadour " et de " rococo " par les détracteurs de la richesse décorative atteinte au du XVIIIe siècle.
Notre baigneuse est cependant éloignée de cette emphase. Elle se présente à nous au cœur d'un paysage verdoyant, assise au pied d'un rocher face à un cours d'eau dans lequel vient tremper le drapé blanc qu'elle tient dans les mains. Vénus, nymphe ou simple baigneuse, l'identité de cette figure n'est pas clairement définie mais cela a-t-il vraiment son importance ? Il n'est plus besoin du prétexte de Vénus, de Diane, ou encore de Suzanne ou de Bethsabée pour représenter une femme au bain. Le sujet de cette composition est en effet simplement cette jeune femme nue, assise sur le morceau d'étoffe dont elle devait être vêtue, et venue se rafraîchir.
Le modeste format de ce tableau indique qu'il était destiné au cabinet d'un amateur, ce qui explique sans doute la grande modernité de cette baigneuse s'éloignant de la tradition académique de la peinture d'histoire. Cette composition fut néanmoins élaborée avec soin et nous en connaissons un dessin préparatoire 1.
Si la position de trois-quarts dos de notre nymphe et le drap posé sur le haut de sa cuisse indiquent une apparente pudicité, son visage et son regard sont directement tournés vers le spectateur. Seules ses joues légèrement roses semblent indiquer une quelconque gêne.
La subtilité du coloris est sans doute la plus belle qualité de cette œuvre. Le corps de la baigneuse est parfaitement mis en valeur par la neutralité du paysage à l'arrière plan. Le rose des carnations est délicatement relevé par le ruban qu'elle porte dans sa coiffure, tandis que la blondeur de ses cheveux trouve un écho dans l'étoffe mordorée sur laquelle elle est assise. Le caractère diaphane du tissu blanc vient quant à lui éclairer et équilibrer la composition.
1. Pierre noire et rehauts de blanc, 38,70 x 28,50 cm ; Galerie de Bayser, Paris, juin 1979, n° 23 et exposition ' " De l'amour… " Des siècles de séduction', Paris, Louvre des Antiquaires, 8 avril - 20 juin 1982.